Touché mais pas coulé

Il y a les textes vers lesquels on se dirige parce que quelqu’un ou un média vous en a parlé et ceux que l’on rencontre par hasard, sans que personne n’ait rien fait pour que cela se produise.
Quel que soit le cheminement qui nous amène à ces écrits, il y en a qui parfois vous touche plus profondément que d’autres.
Un choc authentique et sincère tout autant qu’imprévu et puissant.
Le texte sur lequel je suis tombé par le biais de Facebook l’autre jour m’a fait un effet de la sorte.
J’écris moi-même et je suis donc soumis comme d’autres à une forme d’auto-censure plus ou moins maitrisée, plus ou moins castratrice.
Étant entendu que c’est en nommant les choses qu’on leur donne corps et compte tenu que j’écris souvent sur mes ressentis personnels (Narcisse me comprendra), j’hésite parfois à transcrire en mots des sentiments très intimes et ambivalents.
Un peu comme si le passage à l’écriture devait les graver dans le marbre.
Comme une prise de position vis-à-vis du lecteur (et de moi-même).
La force des grands auteurs est justement de pouvoir toucher sensiblement son lecteur.
Comme une conversation d’âme à âme.
À travers les récits les descriptions et les dialogues, ce sont des émotions, des perceptions et des états d’âmes qui sont échangés.
Quand cela fonction, on peut parler de mise en résonance entre l’écrivain et son lecteur.
Ainsi, ce texte tiré de « La nausée » de Jean-Paul Sartre et partagé sur mon profil m’a profondément touché.
J’ai senti cette résonance entre ce que je suis aujourd’hui et ce qu’exprime le personnage que l’auteur met en scène.
À la base, je ne suis pas de culture livresque classique.
Plutôt branché SF depuis l’adolescent, je vais positiver et me dire que j’ai encore tout un monde à explorer.
Je connaissais déjà Jean-Sol Partre par ma période Boris Vian (qui n’a par ailleurs rien de SF) mais ici, c’est bien de Jean-Paul Sartre qu’il s’agit. Le vrai, l’original.
« La nausée » est son premier roman.
Voyez à ce sujet l’article d’Albert Camus d’octobre 1938.
À propos de l’ouvrage, il y évoque l’idée selon laquelle « constater l’absurdité de la vie ne peut être une fin, mais seulement un commencement ».
C’est à partir de ce livre que Sartre développa réellement sa renommée.
C’est à partir de cet extrait de « La nausée » que je vais peut-être pouvoir envisager un certain changement.
Avec ces quelques mots, Sartre a donc mis précisément le doigt sur une idée qui me tracassait depuis déjà un certain temps et sur laquelle je m’étais dit qu’il me faudrait écrire un jour. Écrire sur ce ressenti et le publier était aussi d’une certaine façon l’obligation de devoir l’assumer.
D’où la résistance (stratégie de procrastinateur !).
De le lire écrit par un autre et de le découvrir tellement en phase avec ma réalité actuelle me permet ainsi de l’accepter autrement et de l’assumer malgré tout.
Rien de grave, juste un état de fait à un moment donné.
Enfin, voici le texte en question :
« Je sais que je ne rencontrerais plus jamais rien ni personne qui m’inspire de la passion. Tu sais, pour se mettre à aimer quelqu’un, c’est une entreprise. Il faut avoir une énergie, une générosité, un aveuglement… Il y a même un moment, tout au début, où il faut sauter par-dessus un précipice ; si on réfléchit, on ne le fait pas. Je sais que je ne sauterai plus jamais. »
Voilà, c’est tout.
Rien que ça, une histoire de résonance personnelle.
Si les choses vont sans dire, elles vont souvent mieux en le disant.
Maintenant, c’est dit (et ce n’est pas moi, c’était comme ça quand je suis arrivé(1) !).
Les mots sont guérisseurs.
Alors allez-y, lisez, parlez, chantez, échangez, il reste des mondes à découvrir et tellement de mises en résonances à faire vibrer
(1) Citation culte d’Homer Simpson à propos de petites phrases qui permettent de s’en sortir dans la vie (voir ici ou bien là).